Quelques observations sur le service militaire volontaire. Personnelles, ces observations, mais le débat doit fulminer, pour avancer un peu et ne pas croire à des chimères.
Le temps de concentration d'un adolescent, c'est court. Mais d'un adulte aussi. Les dégâts du monopole du numérique. Alors je vais faire bref. La question, le service militaire volontaire. Faire courir les adolescents pas encore vraiment adultes, on les appellera les adulescents, avec un sac sur le dos, leur expliquer le maniement de certaines armes, les faire dormir en chambrée, les payer 800 euros par mois, et leur inculquer le sens du sacrifice, c'est un défi. La patrie, c'est pas le tri, entend-on, on prend les volontaires, comprenez les motivés et les patriotes, de tout milieu social, si, si, c'est vrai. Le melting pot social. La recette magique. Il suffit de mélanger ces jeunes et les faire marcher au pas, leur gueuler (pas trop) dessus, les pousser physiquement, (pas trop, il y a des parents qui porteront plainte). Il faut forger le combattant de demain, plus que le former, puisque les armes de demain seront des soldats robots volants, crachant balles, bombes, gaz et feu. L'équation, pas vu, pas tué, est de toute façon la seule valable pour le moment. Puisque les drones chassent les soldats comme des lapins. Les radars et autres armes de défense anti-aérienne sont incapables de stopper les drones de plus en plus sophistiqués. Les gosses, eux, le savent. Le lavage de cerveau est impossible, les réseaux sociaux véhiculent toutes les atrocités en Ukraine. Les dix mois de service volontaire serviront à apprendre une discipline de vie, nous explique-t-on. L'affectation, on n'en sait trop rien. Sera-t-elle le résultat d'un pistonnage, comme, moi, dinosaure, j'ai connu à mon époque, où le bien né partait en coopération à l'ambassade de France à Pékin, pendant que mes copains du quartier du Vieux-Doulon, de Nantes, se retrouvaient affectés à Soissons, Metz ou en Allemagne, en général, dans l'infanterie, encadrés par des sous-off vulgaires et roublards, qu'on aurait bien voulu voir sous le feu pour vérifier leur compétence ? L'armée, nous dit-on, a un tout autre visage. Sauf qu'elle n'a pas vocation à s'occuper de trop jeunes, trop mal en point, trop blessés par la vie, trop ignorants, trop mal formés, trop douloureux de problèmes familiaux. Le risque est de constater un certain mercenariat, j'y vais, parce que je vais toucher 800 balles par mois. Ce service militaire volontaire aurait un sens, si un plan général concernant la jeunesse est mis en oeuvre sans tarder, avec un financement adéquat. Je ne vais pas plagier Borloo, qui radote un peu, d'ailleurs. Mais il faut tout reprendre à zéro. D'abord, la transmission du savoir. Ces jeunes, au lieu de courir et de marcher au pas, leur priorité, c'est d'avoir une formation. Aucune difficulté à insérer dans cette formation, quelques heures hebdomadaires ou mensuelles, de préparation militaire. On a déjà cette formule, la préparation militaire. Pourquoi ne l'améliore-t-on pas ? Ces jeunes vont faire du sport, dit-on. Tous les enseignants, dont je suis, n'ont pas attendu les interviews de Borloo sur LCI ou BFM pour constater, que le sport n'est valorisé nulle part, dans le cursus scolaire, et encore moins universitaire. Pourquoi ne pas changer les choses dès maintenant, en attribuant des coefficients forts aux disciplines sportives. On tente de confier aux militaires ce qu'on n'a pas fait dans le civil, au motif, qu'ils sauront mieux faire avec des uniformes et des ordres. La contrainte. Le mot magique. Combien de gamins de 18 ou 19 ans, puisque ce sont les âges de recrutement, "déserteront" au bout de quelques semaines ? Parce que le mode de vie militaire ne convient pas à tous, ou alors, pendant un temps court. Il faudra bien aussi faire un deuxième écrémage une fois le jeune recruté. Il faudra bien à un certain moment se séparer des plus lents, des plus compliqués, des plus faibles. Parce que à un moment donné, on retrouvera les difficultés d'intégration dans le groupe. Comme dans la société. L'armée, ce n'est pas un fast-food où on s'assoit où on veut, où on commande à toute heure, où on reste le temps qu'on veut. C'est une bureaucratie redoutable, outre une technocratie avec une verticalité, qu'on dénonce d'ailleurs à tout va dans notre société. La preuve, les recrutements dans la réserve, avec un nombre exceptionnel de candidatures, mais non traitées, parce que pas de moyens humains, pas de sélection. Alors, on va reprendre une idée simple. Donnez les moyens d'étudier aux gamins en révisant le montant des bourses, améliorez leur existence matérielle en construisant des logements, fournissez des enseignants passionnés, et proposez leur des formats de préparations militaires adaptés à leur âge et à leur disponibilité. Tout est compatible avec leur avenir. Le vrai parcours du combattant, il n'est pas militaire, la plupart des jeunes, le connaissent. Pas de pognon, des parents divorcés ou en divorce, dans des procédures interminables, sans boulot ou avec des boulots précaires, des logements pourris, des universités qui ressemblent à des élevages industriels, des lycées professionnels qui sont de vrais ghettos d'absence du savoir, des insertions professionnelles impossibles parce que dénués d'expérience, le culte du CV, l'absence de réseau, les discriminations raciales. L'armée n'a pas vocation à combler les carences de notre société. Elle recherche du combustible, l'armée. Parce que si le service militaire volontaire se met en marche, sans jeu de mot, il aura une fin. Et que fera-t-on de ces jeunes de milieu défavorisé, qui reviendront "d'un front virtuel" où ils auront perdu tout réflexe d'autonomie et décisionnel pour autant qu'ils en avaient un peu avant ? Les autres jeunes, qui ont leurs parents socialement bien munis, auront la joie de mettre cette expérience sur leur CV et feront florilège sur ParcourSup. Parce que cette jeunesse bien lotie n'est pas à un an près, elle sait investir dans ce qui est retenu et valorisé par le système. Les autres gosses, perdus, eux, n'ont pas de temps à perdre. Ce n'est pas leur apprendre à prendre d'assaut une tranchée qu'il faut faire, les drones les tueront avant, c'est leur apprendre à prendre d'assaut la vie.
L'armée, c'est un partenaire dans l'équipe. Pas plus. La cohésion sociale, elle doit se faire dans la société par le biais de l'éducation et de l'accès à l'emploi, elle ne naîtra pas d'un service volontaire militaire. Ce sont les seules vraies armes qui ne tuent pas mais qui permettent de vivre.
Tout est donc dans le choix des armes.
A suivre.